SIM 17(3)
Systèmes d’information et Management, Vol. 17, No 3
éditée par les Editions ESKA
avec le soutien de l’AIM
Articles de recherche
Le design science dans le domaine des systèmes d’information : mise en débat et perspectives
Amandine Pascal
Management des connaissances : quels dispositifs pour quels objectifs ?
Sophie Mignon, Béatrice Siadou, Corinne Janicot, Céline Averseng et Agnès Mazars-Chapelon
Cet article examine les questions de recherche suivantes : quels sont les objectifs du management des connaissances et les dispositifs mis en place dans les organisations ? Peut-on établir des relations spécifiques entre objectifs et dispositifs ? Et, enfin, peut-on identifier des facteurs de contingence ? L’approche méthodologique retenue s’appuie sur une étude quantitative par questionnaire menée auprès d’une centaine d’entreprises. D’un point de vue théorique, les résultats de cette recherche montrent, en accord avec la littérature, l’existence de groupes d’objectifs distincts ’ à visée interne et externe ’, et de groupes de dispositifs ’ organisationnels, techniques, humains. Nous avons alors cherché à montrer l’existence de liens directs entre objectifs et dispositifs. Or, nous constatons de façon surprenante une quasi absence de liens significatifs. Ainsi, les choix des dirigeants en matière d’objectifs et de dispositifs sont dissociés, et ne font pas apparaître de combinaison significative : les acteurs disposent d’un portefeuille de dispositifs KM sans caractérisation a priori sur l’atteinte d’objectifs internes ou externes. Par ailleurs, l’étude de la contingence fait apparaître des résultats contrastés. Une étude typologique des dirigeants a enfin été menée et a fait apparaître trois profils comportementaux : les convaincus, les modérés et les sceptiques. D’un point de vue pratique et managérial, cette recherche caractérise les objectifs et les dispositifs afin de permettre une meilleure compréhension des mécanismes en ’uvre.
Apprendre à apprendre: une perspective intégrative de l’émergence des routines d’apprentissage
Caroline Sargis Roussel et Cécile Belmondo
La recherche dans le champ de l’apprentissage organisationnel s’est structurée ces dernières années autour de trois perspectives : cognitive, sociale et comportementale. Si ces perspectives permettent une meilleure cumulativité des connaissances, elles limitent néanmoins une compréhension claire des micro-processus par lesquels les organisations réussissent à apprendre à apprendre, c’est-à-dire à construire des routines d’apprentissage. L’objectif de l’article est de comprendre les processus d’émergence de routines d’apprentissage dans des groupes de travail en proposant une approche intégrative des trois perspectives de l’apprentissage organisationnel. L’article reprend la conceptualisation des routines proposée par Feldman et Pentland et étudie la manière dont les activités (perspective comportementale), les structures formelles (perspective cognitive) et les relations de pouvoir (perspective sociale) influencent l’émergence des routines d’apprentissage. La méthodologie qualitative utilisée consiste alors à contraster deux études de cas longitudinales au sein de groupes engagés dans des activités de création de connaissances sur l’environnement concurrentiel (cas TELCIS) et sur l’implantation d’un système d’information intégré (cas PROBANK). Les deux cas sont considérés de manière complémentaire et permettent d’élaborer une proposition de modèle intégratif original. Les résultats montrent que l’émergence des routines d’apprentissage est bien influencée par les trois types de facteurs et nous suggérons en conclusion que cette influence est indirecte : ce sont les interactions dynamiques entre ces facteurs qui importent, plutôt que les facteurs pris isolément. Les résultats montrent également l’importance des jeux de pouvoir autour des outils fournis par les structures formelles (objets frontières) ou par les activités individuelles (instanciations d’objets épistémiques). De manière pratique, l’article souligne la double importance des managers et des chefs de projet dans les processus d’émergence des routines : en tant que fournisseurs d’outils et en tant que vecteur de relations verticales de pouvoir. D’un point de vue théorique, l’article contribue à enrichir le practice turn et le material turn dans la recherche en gestion, notamment dans les contextes de management des systèmes d’information.
Cas & expériences
Capacité d’absorption des informations et pratiques de veille stratégique dans les PME : une étude sur des domaines vitivinicoles provenaux
Serge Amabilé, Régis Meissonier, Coralie Haller et Stéphane Boudrandi
La plupart des recherches sur la veille stratégique se sont concentrées sur l’interprétation de signaux faibles, ou sur les problèmes de surabondance signalétique, en laissant en arrière plan les usages des différents dispositifs de collecte d’information mobilisés à cet effet. Ceci tend à négliger le fait que la veille stratégique est souvent issue de plusieurs processus (formels et informels) auxquels les acteurs vont, en amont, accorder un niveau d’attention différent. Cet article se fonde sur le modèle de l’ACAP pour discriminer les mécanismes d’absorption d’informations stratégiques au sein d’une filière économique. La méthodologie de recherche qualitative retenue a été éprouvée, en particulier, par 20 entretiens semi-directifs effectués auprès d’autant de domaines vitivinicoles de la filière des vins de Provence. Les résultats révèlent que ces derniers accordent peu d’attention aux informations provenant de ces organismes de coordination. En revanche, ils privilégient les informations collectées, dans le cadre de leurs activités courantes, au gré des relations formelles comme informelles entretenues avec d’autres entreprises membres de la filière. La partie discussion permet d’enrichir le modèle de l’ACAP en montrant notamment, que la capacité d’absorption potentielle des informations est plus le fait de « l’expérience » des entreprises et de la « similarité » avec les acteurs de leur environnement (fournisseurs, clients, concurrents, etc.) que celui des « mécanismes d’intégration sociale » mis en place par les organismes de coordination. En termes de contributions managériales, notre étude permet de préciser les concepts de similarité et d’expérience en y intégrant les notions d’appartenance territoriale et de proximité géographique qui apparaissent comme des soutiens à la capacité d’absorption des informations des entreprises.